Vertiges de l'IA
Vertiges de l’IA : merci BFM Business pour cette nouvelle matinale, entre tech, culture et prospective...
Les artistes peuvent‑ils être destitués par l’intelligence artificielle ?
Le déploiement de l’IA dans la création artistique est troublant parce que celle‑ci touche à un trait constitutif de notre humanité, de Lascaux à nos jours.
Boris Eldagsen vient d’emporter le prestigieux Sony World Photography Awards avec une photographie créée par une IA ; Jason Allen a obtenu le premier prix du Colorado State Fair grâce à sa composition « Théâtre d’Opéra Spatial » (ci‑dessous) créée avec…. Midjourney.
Objectera‑t-on qu’une IA ne « fait que s’inspirer d’œuvres préexistantes et les transformer » ? Mais Jean‑Sébastien Bach avec son génie ne s'inspirait‑il pas de Vivaldi, Teleman ou Pachelbel ?
Dira‑t-on que ces œuvres « artificielles » sont dépourvues de valeur ? Mais elles sont parfois acquises sur des valorisations à faire pâlir d’envie un artiste humain : la peinture « Edmond de Belamy » créée par le collectif Obvious fut vendue 432 500 $ chez Christie's...
Une autre réponse à mon sens plus décisive, réside en la distinction entre la création d’intention et la création de composition. Le « responsable » de l’œuvre en porte l’intention et en arrête la forme définitive. Tel est l’argument de Boris Eldagsen : « je reste le réalisateur ». Et telle est l’idée du « prompt art » : un art de l’initiative et du pilotage.
A ce titre, s’il n’est pas permis d’imaginer une disparition de "l'art avec IA" (40 % des Français déclarent qu’ils pourraient l’utiliser à l’avenir ; Baromètre Viavoice – Impact AI, avec le Global Center for the Future), s’imposent :
▶ La distinction entre les œuvres avec IA, et produites uniquement avec une intelligence humaine ;
▶ L’idée d’une transparence sur les modalités de réalisation, entre création totalement humaine et création partiellement artificielle.
Et la racine du trouble est probablement plus profonde. Parmi les raisons d’adhésion à l’IA s'affirme en priorité (73 %, Baromètre Viavoice ‑ Impact AI ‑ Global Center for the Future) sa capacité à résoudre des enjeux « complexes ». Et pourtant les salariés (61 %, ibid.) attendent surtout de l’IA qu’elle « réduise les tâches répétitives ».
En art, l’équation est la même : si l’on envisage en principe une IA sur les terres de la complexité créative, on aimerait que son rôle soit circonscrit à celui d’un assistant...
Woody Allen disait que l’IA ne serait que « l’inverse de la bêtise naturelle ». Certes. Mais cette IA peut désormais (co‑)produire des œuvres maîtresses. Une voie consiste à reconnaître le « prompt art » en tant qu’art à part entière, et en le distinguant des expressions artistiques « uniquement humaines ».
Nous sommes à l'aurore une réflexion...
Avec Christophe Jakubyszyn Laure Closier Patrick Kuban Maurice NDiaye Frédéric Simottel 🙏🏼
Livre : "Les nouvelles fractures de l'humanité", Éditions de l'Aube, 2022.
#IA #Art #PromptArt