Esprit d’empire et esprit de révolution, l'avenir des entreprises

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Secrets de croissance, par François Miquet‑Marty

par Jean‑Francis Pécresse, Les Echos


Pour croître dans un monde toujours plus digital, les entreprises doivent se métamorphoser en permanence, analyse François Miquet‑Marty.

Qu'est‑ce qui fait qu'une entreprise vit, grandit, réussit ou meurt ? « Pourquoi certaines fleurissent‑elles pendant que d'autres dépérissent ? Comment les unes parviennent‑elles à s'imposer pendant des décennies tandis que leurs homologues, pour beaucoup, ne survivent pas à leurs premières années ? » Depuis plusieurs années, François Miquet‑Marty a entrepris de répondre à ces questions faussement « simples », en allant chercher les réponses auprès de ceux censés connaître les « secrets de (la) croissance », les chefs d'entreprise.

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A force d'effectuer des études pour des entreprises, voire d'en conseiller les patrons, François Miquet‑Marty a voulu comprendre leurs recettes. Son livre est, en partie, le produit de nombreux entretiens avec des dirigeants. Son questionnement individuel s'inscrit surtout dans un contexte : la crise du modèle occidental. « L'idée de la prospérité a perdu de son évidence, pour partie aux Etats‑Unis et plus encore dans le continent qui fut son berceau il y a près de 250 ans : l'Europe », constate François Miquet‑Marty.

Pour François Miquet‑Marty, deux mots résument la réussite de l'entreprise : « révolutionnaire » et « empire »

Ce n'est pas seulement par la faute de politiques publiques dissuasives pour la création de richesses, c'est aussi parce que les modèles traditionnels d'entreprises sont mis à l'épreuve par des nouveaux entrants, enfants de la révolution numérique capables de tuer en quelques années les empires les mieux établis. On comprend vite que la vraie question du livre n'est pas tant de savoir pourquoi Amazon cavale quand Kodak végète, mais à quelles conditions Amazon pourrait contribuer, comme Ford hier, à une croissance économique profitable au plus grand nombre ?

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La grande mutation que traversent les économies développées nourrit une « insécurité de principe », observe l'auteur. Pourtant, la promesse d'un meilleur futur, que dessineraient les entreprises de la nouvelle génération, est crédible. Il faut, une fois encore, que tout change afin que rien ne change.

Au terme d'une cinquantaine d'études de cas, français et étrangers, François Miquet‑Marty définit ainsi la figure de l'entreprise qui réussit : « l'empire révolutionnaire »,autrement dit « un alliage de deux contraires qu'en apparence tout oppose : révolutionnaires et empires ». A l'origine des grandes réussites, souligne‑t-il, il y a toujours un révolutionnaire, pas seulement un ambitieux, un utopiste ou un acharné, mais le créateur d'un marché nouveau. Hier Henry Ford ou André Michelin. Aujourd'hui Jeff Bezos ou Steve Jobs.

Place à « l'entreprise métamorphose »

Il faut un révolutionnaire pour générer de la valeur, mais un empire pour la faire perdurer. En France, Dop, créé dans les années 1930, n'aurait pas connu le succès si L'Oréal n'avait pas développé autour toute une industrie de l'hygiène et de la beauté. Explorer puis exploiter : ce vieux secret de croissance est toujours au coeur des stratégies de performance. Mais, « dans un monde numérique qui décerne des horizons mondiaux à toute idée prometteuse », écrit François Miquet‑Marty, il contraint les « empires » à faire leur « révolution permanente ».

Finie l'ère de l'entreprise innovante, fût‑elle la plus inventive dans son secteur d'activité. Place à « l'entreprise métamorphose », capable de changer de terrain, de secteur, de produit, mais aussi d'organisation et de « business model ». Pour réussir dans une économie digitalisée, ultramobile, l'enjeu n'est plus seulement d'avoir un temps d'avance dans son secteur d'activité, analyse François Miquet‑Marty, mais d'aller chercher la croissance partout où elle se trouve. « Nombre d'empires ne peuvent dorénavant plus se cantonner à la passivité ou à la réactivité : ils doivent se muer en guetteurs et acteurs permanents. »

Le parangon de cette nouvelle ère, c'est Amazon, hier vendeur de livres, CD et DVD en ligne, aujourd'hui distributeur de vêtements et de produits frais, demain entreprise de logistique et sans doute aussi banquier… « Ce temps qui s'ouvre est bien celui des métamorphoses », résume François Miquet‑Marty qui y voit une forme de retour aux origines. « Le temps de Zeus est revenu […] Au temps de la Grèce antique, l'idée de métamorphose était courante, Zeus en était l'orfèvre. Au gré des circonstances et des nécessités […], Zeus se mua tour à tour en cygne et en serpent, en cheval et en aigle, en taureau et en pluie d'or… » Pour l'auteur, ce retour vers le futur est exaltant. A condition d'adorer l'incertitude.

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